Julien Bernard (7Weeks) : " 'Dallas', c’est l’Amérique crue, vulgaire"

Dans Rock Hard, magazine physique mensuel spécialisé en musique néoclassique, paraissant en kiosques et auquel j’ai le bonheur de contribuer depuis plus de 110 numéros, se trouve en fin de parcours, parfois, une précieuse rubrique bonus : amusante, surprenante, ébouriffante, effrayante – et on ne vous dit pas tout ! – elle s'intitule Le book qui tue
Ainsi que l’indique son paragraphe introductif, "chaque mois, un musicien vous recommande son livre de chevet" : une manière comme une autre de laisser la main aux rockers et autres metalleux (poilus ou non) dans le domaine de la littérature. Le descriptif du livre, dans la rubrique, est en général accompagné d’une référence musicale accompagnatrice. Il ne sera pas dérogé à la règle ici. 


Julien Bernard (7 Weekschant, basse, guitares éventuelles) m’avait proposé deux références pour la rubrique du Rock Hard #205 (janvier 2020, couverture Sepultura). Celle que, d’un commun accord, nous avions retenue était l’autobiographie de Bruce Dickinson What Does This Button Do ?. Restait donc celle que vous ne liriez jamais dans la rubrique du meilleur magazine metal du monde, voire du cosmos. 

Jamais ? Ah ah. Que nenni ! Aujourd’hui j'peux vous dire, on ressort les dossiers : voici donc Dallas, de Lee Raintree. Dallas oui, vous aviez bien lu. Du roman de gare les mijaurées, de quoi vous changer un peu des louanges universelles autour du dernier Ellroy. Ah c'est pas Bernard Pivot qui vous aurait appris que Bobby Ewing était en réalité un taré de première hein !  HEUREUSEMENT, voici ici et rien que pour vous toutes les explications de fond sur cette littérature de haut vol telles que fournies par le chanteur et bassiste du groupe qui vient de sortir le phénoménal Sisyphus chez F2M Planet / L’Autre Distribution (janvier 2020).
Photographie : Radouan Ardonau


LEE RAINTREE | Dallas
‘Le Book qui tue’ que vous n’avez pas lu dans Rock Hard

Julien : Je suis, comme beaucoup, fasciné par l’histoire des Etats-Unis. J’y suis arrivé par une passion pour l’histoire amérindienne, puis les ouvrages sur la construction de l’Amérique et enfin la description de la société américaine. J’aurais pu citer : Bury My Heart At Wounded Knee de Dee Brown par exemple, prôner la simplicité et l’efficacité de cette littérature : John Fante Mon Chien Stupide, Stephen King The Shining... Mais c’est impossible d’en nommer un "meilleur", alors je me suis tourné vers les outsiders, les losers – et il y en a un : un vilain, un roman de gare crapuleux surfant sur un phénomène d’époque, pas très bien écrit, mais fascinant : Dallas oui, comme la série télé des 80’s.

L’action se passe avant la série et commence au début du XXeme siècle avec l’apparition des premiers "diggers" de pétrole : une description du fantasme masculin américain, des hommes durs, violents, qui se sont faits seuls, à la force du travail, quitte à écarter ce qui pourrait les gêner sans trop de remords. Les fantômes des indiens Comanches ou de Sam Houston hantent les premières pages du livre : un condensé de mythologie américaine, qui jette les bases du récit et justifie les comportements assez "définitifs" des personnages.

Ces derniers sont plus hardcore que dans la série. On y retrouve bien sur le fameux JR (encore plus retord), son frère Bobby qui, lui, revient du Vietnam – sorte de Rambo "first blood" qui voit rouge facilement et pète la tronche à tout le monde en boîte de nuit. 
Les femmes, elles, sont soit fières, libérées, entrepreneuses et sexuellement fortes ; soit des putes, ce qui tout au long du livre revient à peu près à la même chose (là encore le fantasme du mâle américain dans toute sa splendeur ; le contraire d’un livre de Despentes !). Le sexe est omniprésent… et pas de la petite description un peu coquine, non ! Du sexe de bas étage, bien détaillé. Dallas, c’est l’Amérique crue, vulgaire, celle de Trump en quelque sorte. 

À ce propos, à l’époque on avait tenté de faire un Dallas "à la Française" : ça s’appelait Châteauvallon, et les ranchers du Texas étant remplacés par des châtelains de la Loire...
Une France poudrée, bourgeoise... celle de Macron en quelque sorte. C’était en 1978.

PS : Je n’écoute jamais de musique en lisant mais en l'occurrence, je pense qu’un bon ZZ Top (Tejas ou Tres Hombres) fera parfaitement l’affaire.

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Lee Rainstree - Dallas EDITION FR
Poche : 445 pages (11 x 1,7 x 16,5 cm)
Editeur : J'ai Lu (4 janvier 1999)
Langue : FR
ISBN-10 : 2277213241
ISBN-13 : 978-2277213246

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