Lofofora ǂ Ces ‘premières fois’ de Reuno Wangermez que vous ne lirez pas dans Rock Hard (Pt. 1)


Fier comme un gardon, j’envoie il y a quelques semaines de cela un mot à mon rédac-chef @ Rock Hard, le bien nommé Philippe Lageat. Je lui avais préparé un Toute Première Fois de derrière les fagots, il n’allait pas en revenir. Toute Première Fois : une série de questions de principe, délicates et sensibles, jamais voyeuses mais permettant de découvrir l’origine des choses dans la vie des musiciens et personnalités du rock et du metal - autrement dit : les décadents à cheveux de moins en moins longs, au fur et à mesure que l’âge avance vers la retraite.
L’entretien en question, c’était avec le solide et facétieux Reuno, chanteur de Lofofora (et de Mudweiser, et de Madame Robert). Une poilade de pas moins de vingt-cinq minutes au moment où Lofofora s’apprête à sortir son album acoustique – et fantastique, et bashungien – Simple Appareil.
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Entretien avec Reuno réalisé le 7 mars 2018

Reuno Wangermez - crédit : Eric Canto

Wangermez n’a pas spécialement la langue dans sa poche, c’est connu – et j’avais de quoi offrir sa dose d’anecdotes pas piquées des hannetons à la rédaction des chevelus pour sa rubrique culte. Enfin bref. J’envoie le mail à Lageat, je mijote telle la fricassée des familles ; et là, je reçois missive du gourou. Lapidaire. En substance : « Wangermez : déjà fait ». Lageat, humaniste, n’a pas écrit « gros blaireau ». Je l’aurais peut-être bien pris, une fois passé le Valium.

Plusieurs leçons en retins-je, petit Padawan :
1) toujours consulter les archives d’un canard de 50 ans d’âge (j’exagère à peine). Le temps du pigiste est précieux, c’est bien connu – et si frustration doit s’apprendre, pédagogie privilégie âge précoce ;
2) pleurer sur la perte d’un moment de partage existentiel avec le chanteur de Lofofora coûte environ 777 paquets de Kleenex. Ce qui, ramené au temps de frappe, thermonucléarise la phase lacrymale (perte des eaux quasi-totale, j’ai cru que j’allais y rester) ;
3) mais perdre espoir il ne fallait – je n'allais tout de même pas jeter ces incroyables révélations à la poubelle, nom d’un squat ! Le grand public devait savoir ! Car Reuno, cartes sur table, avait déballé cash – et en rigolant en plus ! Et à jeun ! Bref, j’étais sûr de ma source. 
Qui plus est, Reuno lui-même avait été trop poli pour me dire que je faisais peut-être radoter le journal que je représentais. Ça, je l’ai appris en découvrant le mail retour de Lageat (voir plus haut).
Question de survie : je demande à Philippe si le papier peut être publié chez moi à défaut de l’être dans son canard. Ça ne me coûtait rien de quémander finalement, en dehors du fait de passer pour un hippie défoncé au Subutex. Mais j’ai le crâne au moins aussi lisse que celui de Reuno ; et Philippe, qui a la même coiffure que nous, n’a jamais évoqué Grateful Dead en ma présence. Conclusion : feu vert, et merci patron.

Et maintenant : à Reuno de parler comme il sait le faire. Et vous allez, de temps à autre, en apprendre de bien bonnes. 
Avertissement : certains des développements qui suivent heurteront les sinistres, et n’ont pas figuré dans le Toute Première Fois originellement paru dans Rock Hard. Sinon je n'en serais pas là, figurez-vous.

PARTIE N°1
Histoires de héros, de pipeau, de trous et de houblon

Ton premier héros musical ?
Reuno Wangermez : Pas très hard rock le héros, tu vas voir. Michel Fugain (rire).
C’était à mes six ou sept ans. J’avais une cassette du Big Bazar (NDLA : fameuse troupe de plus de trente pélos créée par Michel en 1972, à l’époque où il avait encore tous ses cheveux) et je me refaisais le spectacle dans ma chambre (rire). Mine de rien, quand tu réécoutes les paroles des trucs qu’il faisait dans les années soixante-dix, il y avait déjà un côté anar, authentique. Il y a d'ailleurs une chanson de Michel que j’adore pour ses paroles : « Les Gentils les Méchants ». Ça casse pas mal de codes, et puis je n’avais pas de grand frère écoutant du rock. Mes parents, eux, c’était Ray Charles ; Jacques Brel aussi, que je retrouvais souvent à la maison.
Fugain & co., pour moi, c’était une bande de potes qui se foutait des codes des adultes. Il y avait un côté un peu beatnik dans ce qu'ils faisaient. Et puis ça s’entend encore aujourd’hui, dans certaines choses que dit Michel : c’est un bon gaucho ! 
Fugain, ça aussi été mon premier concert. Mon père avait eu des invit’s à son travail pour aller le voir à l’Olympia. Voilà, pas très hard rock c’est net, mais bon (rire)… Et puis, j’ai eu l’occasion de le croiser il y a dix ans. Là j’étais plus grand, par contre. Je ne lui ai pas dit que j’avais été fan. Mais j’ai bien aimé rencontrer Michel, il est resté vraiment cool je trouve.


Ton premier disque acheté avec ton argent de poche ?
Un 45 tours de Starshooter, en vinyle jaune : Betsy Party. Attends… avec mon argent de poche ? Rhâ je sais plus en fait… je crois bien j’avais cassé les couilles à ma mère au Prisunic, pour qu’elle m’achète ça. Je l’ai gardé, le 45. Les disques, c’est le seul truc que je garde – tout le reste, je m’en fous. 
Starshooter est aussi mon premier concert rock – je devais avoir douze ans, c’était en Picardie. J’habitais à Creil. C’était n’importe quoi, en fait : cet endroit, ce n’est pas encore le pays ch’ti, avec le côté un peu festif, et ce n’est plus la région parisienne non plus, où tu es au courant de ce qui se passe, avec les punks qui arrivent dix ans plus tard. Et moi, je n’y étais déjà plus. Du coup, quand tu assistes à un concert de rock tel que celui-là dans une MJC, c’est un putain d’évènement. Vraiment cool. Là, je me suis dit : « c’est ce que je veux faire. » Et quelque part c'est le message que j’ai toujours cherché  à partager et qui dit : « vas-y, il y a moyen de se sentir libre et de s’amuser dans la vie » - enfin bref, c’était assez vivifiant.


Ton premier disque hard rock / metal ?
C’est soit le premier Van Halen, soit Highway To Hell. Mais à mon avis c’est AC/DC. Et celui-là, je l’ai acheté avec mon argent (rire) !


Ton premier instrument ?
Une flûte en bois, à l’école. L’horreur (il pouffe). Horrible, ce truc ! Mais d’où ça vient ? Je ne sais pas si tous les enfants de tous les pays du monde ont droit à une flûte en bois, ou maintenant en plastoc et qui sonne pire que celle en bois de l’époque, mais put**n : c’est programmé pour dégoûter les enfants de la musique ce machin !

Et puis tout le monde n’est pas programmé pour finir dans Jethro Tull, non plus…
(Rire) Ouais, c’est clair ! 
Ah, mais… attends, j’y pense – j’ai aussi eu une batterie d’enfant, pour un Noël. Mon père avait voulu appuyer sur la pédale de grosse caisse, il l’a pétée au premier coup. J’étais super-dégoûté. J’étais tout petit, c’était même avant la flûte à bien y réfléchir.

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Et plus tard, jamais plus de batterie ?
Non, jamais de vraie. Mais attends, faut être un malade mental pour vouloir faire de la batterie dans la vie. T’imagines le bordel que c’est à trimballer, la place qu’il faut pour entreposer le bazar, et tout ? Certes, tu peux résoudre le problème en t’achetant une batterie électronique, comme font les mamans aujourd’hui -  mais bon, c’est quand même de la merde, les batteries électroniques, c’est hyper nul (rire) ! Et je passe sur l’apprentissage : t’apprends la batterie ? Mais alors si je comprends bien, tu passes ta vie à casser les couilles à tout le monde pendant des années ! Mais c’est un truc de fou ! Il faut être acharné et avoir une volonté de dingue pour vouloir devenir batteur (rire) !

Après, à voir : avec un peu de chance tu peux éventuellement réussir, et finir batteur de M. Pokora !
Ouh, là ! Ça sent le dossier ton truc (rire).
(NDLA : cherchez vous-mêmes !)

Ta première cuite ?
À la bière. Ah c’était pas beau... on les avait volées les bières, en plus (rire) ! Je devais avoir quinze, seize ans, un truc comme ça. J’habitais au bord de la mer, c’était sur un ponton.  On a bu, je sais pas… une dizaine de canettes chacun. C’était n’im-porte-quoi (rire étouffé). Et après j’ai vomi partout, dans mon lit… et ma mère m’a retrouvé en pleine nuit, à poil, la tête dans les chiottes. Elle a changé mes draps et ne m’a rien dit à ce sujet. On en a reparlé plus tard, il n’y avait pas de tabou. Elle est cool, ma mère – et elle savait que, sur le moment, ce n’était pas la peine d’insister. Dans son esprit, j’en avais tellement chié (il rit en le disant) qu’elle n’avait pas besoin de me faire la leçon en plus. Vomir, c’était comprendre qu’il fallait faire gaffe avec ça ! Et ça, ma mère, elle le savait (rire).

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DANS LA 2e PARTIE :
Des histoires de premier groupe, premiers concerts, premières tournées, des histoires de ridicule et impliquant (de loin) Iggy Pop, des histoires de jupes qui se soulèvent... 
... ah vous êtes dans de beaux draps, tiens.


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