Etienne Daho ǂ Blitz
Depuis son premier album (1981), l’attachement à Étienne est exprimé, au sein du peuple, par des êtres versant dans les musiques electro, pop, new wave éventuellement*, ou dans la musique populaire à un sens large – phénomène à l’image de l’éventail d’influences avouées par Daho lui-même. Françoise Hardy, The Velvet Underground, pour n’en citer que deux – évidentes – parmi toutes ces choses qui bouillonnent doucement dans le chaudron de son art et son histoire personnelle.
Et nous voilà en 2018.
Et Daho est toujours là, plus que jamais.
Bain des influences pour ce public mélangé qui se rend aux shows d’ED comme à tout évènement lié à sa personne (l’exposition
Daho L’Aime Pop ! @ La
Philharmonie de Paris).
Il est probable que le constat se fera de nouveau sur la tournée Blitz, en 2018.
Tous les disques de Daho n’ont certes pas
rencontré l’estime populaire vouée à un Pop
Satori ou un Eden (tous deux
fruits de la collaboration Daho/Turboust) ; mais l’homme s’est toujours
débrouillé pour rester en vie (coup de chaud en 2013), et surtout, surtout, intéressant en musique.
Ces dernières années ressemblent à une cure de
jouvence. À l’impressionnante qualité d’écriture et de production des Chansons de L’Innocence Retrouvée
succède fin 2017 Blitz, disque à la
pochette type Kenneth Anger, référence maintes fois évoquée depuis sa sortie
avec celle de Brando (photo : Pari Dukovic, celui qui a capturé Barack).
Une image tout en suggestion érotique, et sur laquelle ça glosa comme sur la censure de la (belle) poitrine de la pochette précédente. L’époque s’arrangeant mieux de la suggestion
que du montrer, petit rappel ci-dessous du forfait histoire d'emmerder gentiment la pudibonderie aux entournures :
Blitz, lui, a fait l’objet d’une production divisée en
tranches. Plusieurs acteurs sont intervenus dans la direction artistique aux
côtés du protagoniste principal, Jean-Louis Pierot partageant cette fois les
manettes avec Fabien Waltmann (coauteur, comme Pierot donc, des partitions avec ED).
Pochette esthétique, protectrice d’une musique étudiée et d’une écriture que
certains disent sophistiquée - au sens
non péjoratif du terme.
Blitz fait preuve d’une sidérante unité d’atmosphère et
de couleur, sans parler de la haute définition d’un texte parfois couché en
écriture automatique ("Chambre 29", à propos de laquelle Daho a parlé
en radio de "poésie un peu foutraque" et sans amélioration possible).
Calfeutrée dans des tempos à dominance mid voire
low, la délicatesse poétique ne se dément pas. L’ensemble hypnotise. Si
certaines mélodies donnent sentiment d’évidence, à la limite du trop ("Les
Flocons de l’Été", glaçage onirique en référant semble-t-il au frôlement
de la mort, en 2013 – son "Sister Morphine à lui", du peu qu’il
veuille bien en dire), ce son à la granulation psyché et anglo-saxonne, parfois
anxiogène, provoque régulièrement surprise. Collection d’histoires et de
climats fruits d’un instinct, ou donnant le sentiment de l’être tant la
résonance est naturelle et semble évidente - alors même que nous savons qu’il
faut empiler les couches, agencer, réfléchir aux sacrifices que le mix, en pratique, opérera pour
défaire la luxuriance des arrangements. Musique mue par sa contradiction ou sa
tension interne : tout à la fois grave et légère, suggestion par ce qui
est caché ou sacrifié. Confondant.
Climats et histoires : ambiance polar et
épointement américain des guitares ("Les Baisers rouges"), fausse-distance
avec la mort d’un être chéri (l’inclination rock du "Jardin", hallucinants
équilibre et à propos d’une énergie de vie entourant l’absence), sensation de
vol ("Les Cordages de la Nuit") et encens de rigueur pour l’écoute
de "The deep End" - en duo avec Jade Vincent (Unloved).
Collection de chansons à la cinématographie enveloppante,
opposée en cela à la dimension fulgurante du mot Blitz : cette série de petits éclairs se fond en un flux de teinte ambrée,
voluptueux. Parmi les plus belles chansons restent "Hôtel des Infidèles" ;
mais aussi, peut-être, l’une des plus réussies de Daho tout court : "L’Étincelle".
Histoire d’un frisson amoureux, une flamme qui se cache. Une pudeur,
indéfectible et qui imprègne tout.
2013, 2017. Deux albums, deux chefs-d’œuvre de
rang. Étienne intériorise, voyage léger et sa force d’inspiration désarme.
C’est, dans ses mots, la réalisation d’un "fantasme
sonique".
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Blitz
Mercury/Universal (2017)
(*) Rien de très étonnant, dès lors à ce qu’un label spécialisé tel que BOREDOMproduct ait consacré hommage à Daho via l’hétéroclite tribute Pistes Noires. Il y avait du monde, là-dessus : Opera Multi Steel, This Grey City, Foretaste, Happiness Project, Dekad, Celluloide – entre autres.
Une musique pop, des horizons.
Merci pour cette belle chronique ! Quelle écriture..
RépondreSupprimerWelcome !
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