D'où les choses viennent


L'expression personnelle pullule sur le web.
Franchir aujourd'hui le pas est rejoindre ce brassement infini de la subjectivité : humanité foisonnante en accès libre, bruit silencieux de la multitude. Le monde se déverse dans le web, Grand Foutoir dans lequel votre voix compte réellement pour ce qu'elle vaut : à coups de truelle, un 1/7 551 000 000ème sauf approximation de l'ONU dans son estimation de la démographie mondiale de juillet 2017. De quoi résoudre le problème de ceux qui souffraient éventuellement d'un élargissement du nombril.

Ecrire, c'est quelque part exister je suppose. Je n'ai jamais trop compris ce qui me pousse à le faire, mais j'en suis là.
Et comme je vais poursuivre ici même, il y a préalable d'usage - simple décence envers le visiteur : le "porter à connaissance" d'un minimum de précisions à caractère personnel. J'élargis le nombril quelques secondes, espérons que ça ne dure pas.

Je suis né en 1972, le 23 mai, en Centre-France. Mes parents, une institutrice et un cadre dans le privé, ont élevé mon frère cadet et moi-même dans le respect des autres, la relativisation de la valeur "argent" et l'exigence vis-à-vis de soi. Ils ont aussi espéré de nous - réflexe protecteur du parent face au risque de la sanction sociale - une coiffe digne, sans que nous nous montrions toujours à la hauteur. Ça a pris du temps et sans forcément m'égayer. Mais maintenant, je m'y entends.

Etat normal (2015, etc.)

Je suis enfant des livres, de la presse papier, du cinéma sur grand écran, de la musique sur disque physique. Intellectuellement, je dissocie avec difficulté l'œuvre de son support. Une faille vintage. Personne n'est parfait. Pour autant, ami geek, sache que si je comprends mal ton langage, je ne te défierai sur aucun terrain. Je ne hais point le digital ni les termes cloud et metadata. Un fichier a beau être anonyme en surface, ce dont souffre à mon sens l'incarnation d'une musique, sa dimension pratique est indéniable.

Jusqu'à présent, j'avais cantonné l'expression écrite à un domaine ressenti comme familier : les musiques plus ou moins "actuelles" (et je pèse mes mots) ont, de 1991-1992 à aujourd'hui, dominé ma préoccupation "journalistique", pour peu que je puisse la définir ainsi.
Mon rapport à la musique est fluctuant : aujourd'hui physique, demain plus cérébral (ton non pédant). Inutile de chercher. Le phénomène ne se maîtrise ni ne se questionne.
Ce qui est sûr, c'est que j'aime les guitares, les machines, les loops, l'étoffe des cordes, la puissance des cuivres, la résonance d'une caisse claire. La voix reste pour moi un instrument parmi d'autres, quoique Diamanda Galás ou Lisa Gerrard aient pu me faire douter.
Au fond et de tout temps, je crois avoir prioritairement recherché l'intention en musique. Elle est ce qui compte, sa dimension technique me restant pour toujours affaire secondaire. L'académisme exigeant d'un Conservatoire Régional, subi lors de ma jeunesse, a sans doute alimenté ce sentiment, pour ne pas dire ma certitude du primat du sensible sur rigueur technique et autres fondations théoriques. La théorie vient à celui qui entend la musique et la ressent, à l'intérieur. Le fondamental s'acquiert par l'envie, car il donne à mieux formaliser le sensible.
Bref. Hors du désir en musique, rien de substantiel à mon sens - quelque bavardage, au mieux. Dès lors et pour moi, voici le résultat d'une application sans équivoque du critère du sensible. Un principe égalitariste : Joy Division vaut Philip Glass vaut Led Zeppelin vaut Skinny Puppy vaut Ligeti. Pour toute réclamation, Cerfa exigé en 777 exemplaires.

Mouiller son Azerty dans l'eau-musique, mais pourquoi ? Surfer dessus peut être galère, mais la galère a des côtés plaisants. Après tout, l'un des buts du journalisme musical est de rencontrer des gens. À la base, et le secret est largement éventé, c'est affaire de fan. La déception peut d'autant plus être au bout.
Déception de l'autre, celle qui ne tient pas à l'écriture : parfois, souvent, les artistes savent mieux faire que parler de ce qu'ils font. C'est leur fragilité. C'est le jeu aussi, mais je ne le regrette jamais.
Déception de soi secondo, dans cette difficulté ressentie comme insurmontable à ancrer les mots dans la musique, à faire en sorte qu'ils soient assez puissants pour la révéler à quelqu'un qui ne l'aurait pas encore entendue. Au fond, je ne crois pas qu'ils puissent l'investir, l'affaire est par trop subjective et c'est sûrement en aveugle que je persiste à vouloir me prouver le contraire. Vaille que vaille. Au pire, il faudra broder mais le faire avec conscience, en espérant donner envie à celui qui lit. C'est déjà beaucoup lorsque cela arrive.

Tout ça pour ça, bienheureux ! 
Je me suis destiné à être juriste par mes études, mais des choses se sont produites. J'ai donc eu deux vies, sans doute parce que je l'ai voulu. Pour ce qui est de la seconde, sujet de la présente, je dois avant toute chose remercier certains. Ceux qui m'ont offert espace sans forcément me connaître.
- Parmi ceux-ci : Eric Henriet (Nursery Fanzine), Christophe Labussière et toute l'équipe de Prémonition (époque papier), Philippe Manœuvre (Rock'n'Folk, temps formateur), Guillaume Michel (D-Side, époque qui a compté - une presse spé new wave/electro/gothic pouvait donc mettre Gaule en émoi !) ; et, au temps présent, Olivier Drago (New Noise, j'y glisse trois lignes le cas échéant), Clément Marchal (Twice, j'y trime s'ils me soudoient) ; et enfin Philippe Lageat, en compagnie duquel j'éprouve indéfectible plaisir à gribouiller mes bêtises depuis mes premiers pas dans la version FR de Rock Hard. 100 numéros ensemble bientôt à mon compteur, dont des volumes spé Hellfest - inutile de dire que ça compte.

Nicolas Pingnelain quant à lui, a été mon copilote dans l'aboutissement du projet média spécialisé en musiques sombres Obsküre, sous ses différentes formes. Un webzine connu originellement sous le nom de www.obskure.com, né après une première version papier auto-éditée par moi-même et maquettée, s'il-vous-plaît, façon cochon : deux numéros, deux ans (1998-1999).
Gruiiik-gruiiik. On s'épuise vite, seul. Mais avec Nikö et toute l'équipe qui à nos côtés a fait ce média, Obsküre a grandi pour accoucher d'un livre tout blanc (Obsküre Opus I, K-Ïnite, 2007), et devenir in fine ce média global que j'appelais de mes vœux : une formule en miroir site web (www.obskuremag.net) / magazine en kiosques (sous l'égide d'Edicide Publications, éditeur de feu D-Side).
27 numéros et quelques arbres en moins (pardon), résumés par deux couvertures.
La première, florale, en écho à l'esthétique phare de www.obskure.com, créée par Lionel Londeix.
La deuxième, ornée d'une célèbre photo de 1973, signée Sukita.


Notre formule magazine (2010-2016) reste à mes yeux une expérience-joyau, mais la meurtrissure de son arrêt n'est pas forcément une fin. L'équipe est là et nous continuons d'exister sous la formule web en vigueur depuis plusieurs années, à savoir www.obskuremag.net. L'avenir dira si Nicolas et moi trouvons la ressource pour réinventer une formule web-only.

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Et j'en suis là, donc.
Et j'ouvre ce blog. Alors bienvenue.
C'est ce que l'on dit, paraît-il, lorsque les choses commencent.  ǂ



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Crédits :
Image thème : détail de la pochette de l'album commun Scott Walker & SunnO))) : Soused (4AD) (2014)
"Etat normal" - photo : Radouan Ardonau



#curricuculumvitae





Commentaires

  1. Merci de ton accueil Manu. Au plaisir de te lire... et de te voir au prochain concert ou ailleurs !
    Philippe

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  2. Bon vent et belle mer à ton blog, Emmanuel 😉

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  3. Nous te suivrons avec grand plaisir, même si pour ma part, je partage une partie de ta vie... Professionnelle et amicale ! Depuis 30 ans....

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  4. L'intention compte bien plus que tout.. et ton intention ici sur ce blog me semble empreinte d’une belle sagesse et d’une finesse d’esprit incomparable !

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  5. Un petit pas/7 551 000 000 pour l'homme (encore que...) Mais un grand bond pour la culture et surtout la mienne. Merci d'avance pour cela !

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