Johanna Sadonis (Lucifer) ǂ La nuit, la mort, la Bible, le vin, Coven, Lucifer... et moi


Johanna Sadonis est la créatrice – avec Linnéa Olsson – du furtif projet The Oath. Un album en 2014, suivi du split. Par la suite, elle est devenue pilier et seul membre permanent (en l’état de l’histoire) de Lucifer, projet occult / doom / rock vintage 70’s.
La nature est mouvement et la chanteuse déménage de l’Allemagne vers la Suède. Et le son de Lucifer mute, s’ouvre. À Stockholm, une nouvelle ère débute sur les plans musical comme personnel, en compagnie du recommandable Nicke Andersson (The Hellacopters, Entombed, MC5, Nihilist…). Avec Nicke – et un groupe live rebâti de toutes pièces –  ce sera Lucifer II (sortie sur Century Media planifiée pour le 6 juillet 2018)… et très certainement Lucifer III, en préparation.
En exclusivité pour Kaleidoscöpe, Johanna quitte les tonalités de sa campagne promotionnelle pour le nouvel album. Face à une liste de mots imposés, la blonde charismatique parle à l’instinct. Vous allez même croiser Martin Luther King, bande de petits veinards.

Réactions à chaud, autoportrait en creux.
-

Entretien avec Johanna Sadonis réalisé le lundi 28 mai 2018
Photos Lucifer 2018 : Ester Segarra

Robin Tindebrink / Johanna Sadonis / Nicke Andersson : Lucifer 2018

Lucifer
Johanna Sadonis : C’est mon groupe, ma passion – j’y tiens beaucoup.
Lucifer est aussi un ange rebelle qui a été rejeté par Dieu. L’image que j’ai de lui est celle d’un ange poignardé qui a dû suivre son chemin. C’est un personnage craint et qui a fait l’objet de mille perceptions et suppositions – une entité incomprise. J’ai moi-même éprouvé un sentiment mélangé à son propos, de la peur parfois. En quelque sorte, il est le banni et j’ai pu le voir ainsi depuis mon jeune âge.
Je suis une enfant de Berlin Est et quand je me suis retrouvée dans la partie Ouest, j’ai d’abord été perçue comme la fille originaire de la RDA. Plus tard, à l’adolescence, je me suis trouvée être l’une des rares jeunes femmes à l’école à verser dans le metal. Là encore, j’étais perçue comme l’outsider. Il est possible que cette perception et ce statut aient joué un rôle dans le fait que je nomme finalement mon groupe Lucifer.

Lucifer, le porteur de Lumière. Si l’on déconnecte l’entité Lucifer de l’a priori diabolique le concernant, a priori qui à notre sens le réduit, et si nous restons sur le thème de ce port de lumière : qui sont « tes Lucifers »,  à toi ? J’entends par là les personnes qui apportent la lumière à ton existence – la connaissance, la compréhension...
L’assimilation de Lucifer au Diable est en effet une idée reçue, une idée fausse.
Les porteurs de lumière dans ma vie, « mes Lucifers » comme tu dis, s’incarnent d’abord dans la personne de mon fils. Lorsque tu deviens parent, ta perspective sur la vie est bouleversée – ta perspective sur l’amour, sur toi-même… Au fond, c’est le moment où tu relativises ta propre importance et où tes priorités se déplacent pour focaliser sur un être autre que toi-même, sur ton prolongement. À ce moment se renouvellent un certain nombre de valeurs où de conceptions personnelles : l’amour, le don… ces choses prennent une forme inconditionnelle.
Nicke (NDLA : Andersson, membre historique de Hellacopters devenu main droite de Lucifer, aux côtés de Johanna au moment où nous avons cet échange) est aussi devenu l’une de mes Lumières. Je veux vivre ma vie et mourir avec lui. J’espère que cette vie sera longue.
J’ai aussi un grand frère, qui fait partie de ces êtres précieux. Il a onze ans de plus que moi. Lorsque j’étais petite, lui vivait l’adolescence et lisait les philosophes classiques : les grands Grecs, mais aussi des classiques de la philosophie allemande. Il m’a très tôt donné des livres qui m’ont permis d’avancer ensuite, et m’a raconté aussi beaucoup d’histoires. En quelque sorte, il m’a éclairée durant mon enfance et mon adolescence.



La Bible
C’est un livre très intéressant (léger rire).
Je suis issue d’une famille de pasteurs. Mon grand-père a été impliqué à un haut niveau dans l’église allemande et a rencontré Martin Luther King à Berlin.
Ma mère, elle, est allée dans une école de filles et ce n’est qu’à l’âge de dix-neuf ans qu’elle est devenue fille du rock’n’roll, à l’époque où elle a rencontré son premier petit ami – bref, elle a quitté ce cadre à ce moment-là. D’une certaine manière, cela a créé autour de moi une approche libérale de la Chrétienté, et je pense qu’il est possible de trouver des angles originaux et intéressants sur le phénomène religieux. Le problème de la religion réside principalement, en tout cas ce qui me concerne, dans le fait qu’elle peut être utilisée comme un moyen de contrôle sur les personnes. Cette utilisation la rend dangereuse, alors qu’elle n’est au départ qu’une métaphore. Son exploitation perverse peut déboucher sur des phénomènes sectaires, nourris éventuellement de perversion sexuelle. Il peut y avoir une abomination chrétienne.
Mais pour en revenir à la Bible, elle m’intéresse beaucoup. J’ai fait ma confirmation à l’âge de quatorze ans, ai quitté l’église plus tard. J’allais originellement à ces classes religieuses parce que c’était le vœu de ma mère à ce moment-là – et même si ma spiritualité par la suite a évolué et si le satanisme a pu m’intéresser à l’adolescence, mon intérêt ne s’est jamais démenti pour tout apprentissage relatif à la spiritualité. J’aime la lecture du Coran, par exemple. Il y a des enseignements à prendre partout dans les Livres, pour tout le monde. Certains contenus bibliques sont riches d’angles et de perspectives sur la vie, la morale, etc. Mais le problème reste toujours dans ces interprétations factices qui pullulent à travers les siècles. Je le dis tout en restant modeste, car je n’ai pas étudié les religions à l’Université. C’est un ressenti.

Le vin
J’aime le vin ! C’est un monde de choix. Mes élixirs favoris sont le Crémant, le Champagne. Certains rosés peuvent avoir mes faveurs, des vins blancs aussi. Plus jeune, j’ai pu connaître consommation plus importante, mais le temps passe et je privilégie désormais la qualité à la quantité. Je crois m’être fatiguée du mal de tête. Plus d’argent tu mets sur un vin, moins la tête souffre (rire).

Croyance / foi
Lorsque tu fais quelque chose, n’importe quoi dans la vie, tu dois toujours croire en ce que tu fais. Le contraire est un non-sens : ne le fais pas si tu n’y crois pas, c’est tout. Agir dans un autre état d’esprit m’est contre nature. Dans le même temps, la croyance, la foi est une matière incertaine, changeante. C’est un domaine… unsecure.


La nuit
J’aime la nuit. Une très belle chanson d’Alice Cooper y réfère. 
Ambiance claustrophobe.
Je réalise aussi qu’en Suède la nuit tombe plus vite qu’en Allemagne, et je le ressens particulièrement sur la période d’hiver, où nous ne bénéficions que de quelques heures de lumière par jour. Je me lève tard la nuit, souvent, et j’ai le sentiment que cette heure-là nous offre de nouvelles perspectives sur les choses. Un moment privilégié de retour sur soi-même, une heure propice à l’introspection.

Le terrorisme
Je l’ai en horreur. Cette pensée extrême est de nature diverse, et comprend une dimension politique. Et je rejette complètement cela. Je rejette toute forme de terrorisme, y compris celui qui s’exprimerait à une échelle petite. Le terrorisme peut donc exister pour une raison politique ou autre, c’est un fait, mais il n’est jamais une manière d’obtenir quelque chose.

Les dimanches
Les dimanches représentent dans ma vie antérieure en Allemagne le fait que tout est fermé. C’est le grand sommeil – d’une certaine manière, le dimanche tel qu’il est supposé l’être (rire). Le jour de la pause, de la liberté totale ; et d’ailleurs si tu as un truc à faire au bureau, c’est le moment d’y aller (rire) – ou alors c’est le jour plaisir. Mais de manière générale je n’ai jamais trop aimé les dimanches. C’est un jour un peu mort pour moi.
Aujourd’hui, cela ne se présente plus de la même manière puisque Nicke et moi travaillons le weekend – quelque part c’est dimanche tous les jours ! Nous travaillons les dimanches et prenons éventuellement quelques libertés les mardis. Nos dimanches ressemblent désormais à presque tous les autres jours de la semaine.
Pour finir, sache que je suis née un dimanche, et mon fils aussi.

Coven
C’est marrant – les gens me questionnent toujours à propos de mon rapport à Coven… Je suppose qu’ils voient une ressemblance, je ne sais pas. Bizarre… car je ne dirais pas que Coven est une influence importance dans l’univers de Lucifer. Je ne vois pas trop de similarités entre ce qu’ils font et ce que nous faisons nous. Mais voilà – il y a dans Coven une fille avec de longs cheveux blonds, et la force de cette image explique peut-être l’assimilation entre les deux groupes dans certains imaginaires. Rentrer dans des cases est vite arrivé à partir de simples constats d’apparence... Il y a des milliers de filles blondes, non (sourire) ? 
Cela ne m’empêche pas d’aimer certains albums de Coven, cela dit.

Coven : il y avait bien une blonde

La mort
Ma plus grande peur – à ceci près que si tu te mets dans la perspective de ta propre mort, plus aucun de tes problèmes n’a vraiment d’importance. La mort te fait tout relativiser et t’encourage à poursuivre ta vie. Mais la peur est là et il est des morts que j’espère m’éviter : celle par le feu, ou par la suffocation. 
La question de la mort est une préoccupation qui m’a happée très jeune. J’ai avec elle un rapport amour/haine.

ǂ

> LUCIFER ONLINE


Remerciements :
@ Johanna, pour la manière d’être
@ Nicke Andersson, pour m’avoir prêté Johanna (et sa manière d’être) quelques minutes


#johannasadonis
#lucifer #theoath
#bible
#death
#jesuschristpose
#blondenotredhead

Commentaires

Articles les plus consultés